3.0 Bref historique des recherches.
C’est à la fin du siècle dernier que les officiers topographes français du secteur de Kebili ont
découvert par hasard, lors de leurs travaux topographiques, les premières bornes autour du Chott el
Fejej. Nous devons au capitaine Donau, le commandant du secteur, de s’être intéressé à la question
et d’avoir rapporté ces découvertes. Toutain (Toutain J. 1907. Le cadastre de l’Afrique romaine.
Etude sur plusieurs inscriptions recueillies par le Capitaine Donau dans la Tunisie méridionale. Mém.
Acad. Insc. p. 341-382) a tenté de reconstituer à partir des premiers cippes le principe fondamental
de cette centuriation. Celles-ci sont toutes dans le même quadrant (dd, uk). Connaissant la position
géographique de deux bornes et leurs coordonnées romaines, par exemple : dd 70, uk 280 (n°1) et
dd 73, uk 275 (n°9), on peut construire deux triangles rectangles de même hypoténuse (distance 1-9)
tel que les angles aigus sont égaux à tg i = *dd / *uk, ici 3/5, c’est à dire i = 30,96° et 59,04°. On a
deux solutions possibles. L’ambiguïté est levée à partir d’une troisième borne si cette dernière n’est
pas alignée avec les précédentes, ce qui était malheureusement le cas pour Toutain avec la borne
n°11 (dd 82 ?, uk 284). S’appuyant sur les textes des gromatici avec un decumanus maximus orienté
est-ouest, il a retenu la mauvaise solution. Son origine se situait en plein désert et il rejetait par là
même la seule borne connue (n°18 de Graïba) qui est à gauche de cet axe (fig. 2).
L’allemand Barthel (Barthel W. 1911. Römische Limitazion in der Provinz Africa. Bonner Jarh
bücher, CXX, p.39-126) dans une étude plus serrée et très complète a proposé une solution
radicalement différente. Il note que cette borne de Graïba se trouve sur le même limes 265 qu’une
autre borne du Chareb (n°10). Par une construction graphique simple, il détermine un décumanus
orienté à 37° (S-S-E) et une origine qui se trouve non loin du camp des légionnaires, un point au
nord de la ville de Thala. Ces résultats contradictoires ont alors soulevé de belles polémiques entre
les spécialistes français et allemands. Le travail de Barthel est remarquable sur le plan technique et
historique mais il souffrait d’approximations, les distances avaient été mesurées au pas du cheval du
capitaine Donau, donc peu précises.
Aussi en 1930, le géographe Davin (Davin P. 1930-31. Note sur le cadastre romain du Sud tunisien.
Bull. Arch. du CTHS. Ed. Leroux, p.689-699) s’est attaché à relever trois bornes au moyen d’un
théodolite. Il en conclue que la centuriation a pour origine une montagne, le Bou el Hanèche au nord
de Thala (fig. 2), que le kardo maximus est orienté à 35,1° et passe par le camp d’Ammaedara et
que le territoire est divisé en centurie de 2.400 pieds de valeur 703 à 704 m. Il stationne par ailleurs
deux autres bornes, la n°14 dont les valeurs ont péri et la n°20 qui venait d’être enlevée. Quelques
années plus tard, Legendre (Legendre M. 1957. Note sur la cadastration romaine de Tunisie. Les
cahiers de Tunisie, n°.19-20, p. 135-166) reprend les calculs de Davin et confirme pratiquement les
conclusions de ce dernier, mais il constate qu’on n’a relevé aucune trace du locus gromae sur le
sommet du Bou el Hanèche (1.229 m). Il recherche la raison de l’orientation (35,1°) en examinant
une orientation solaire ou lunaire, mais il ne peut conclure.
Plus récemment, Trousset (Trousset P. 1978. Les bornes du bled Segui. Nouveaux aperçus sur la
centuriation du Sud tunisien. Ant. Afr. Aix en Provence, p. 125-177) reprend les travaux antérieurs,
il estime que l’origine devrait se situer dans la plaine pour des raisons intuitives d’arpentage qui ne
peut s’effectuer qu’en terrain plat, et propose un chaînage dans la vallée de l’O. Haïdra. Son étude ne
s’appuie cependant sur aucun calcul et il ne trouve aucune trace au sol qui vienne confirmer ses
hypothèses. Il fait part enfin (Trousset P. 1996. Un nouveau document sur la limitatio de C. Vibius
Marsus (Sud tunisien). Roman Frontier Studies) de la découverte par les autorités archéologiques
tunisiennes d’une nouvelle borne (n°21) trouvée à l’ouest de Gabès, mais la lecture qu’il en donne
n’est pas conforme aux principes de cette centuriation.
Carte de la Tunisie et de la centuriation.