10.0 Analyse
On a reporté (pl. 8) les coordonnées des bornes selon le double
système d'axes. On remarque que toutes les valeurs décumanes sont quintarii
et progressives , les gromatici ont donc privilégié
les cardines. Par contre, les distances cardinales sont multiples de 7
ou ont une valeur arrondie proche. Jusqu’à ce jour, la plupart des auteurs
privilégiaient des valeurs doublement quintarii, ce qui n’est pas le cas.
La centuriation s’appuie une grille losangique et non pas seulement sur
un carroyage orthonormé lié aux axes principaux. C’est ce principe qui
nous a conduit à rechercher et à trouver des bornes dont le dd est multiple
de 7 et non pas de 5. La borne 19 a été retrouvée à la côte dd 84 (7*
12) et non pas à 85.
On a noté que les bornes 10, 11, 9, 1 et 12 sont sur l’axe
19 (fig. 6 et 7), mais
que d’autres lignes parallèles à cet axe commencent à se dessiner : cas
des bornes 19, 17 et 7 (
18, pl. 8 et fig. 7). Cette
dernière pierre mérite une attention particulière. Nous l’avons retrouvée
au pied de la montagne et son point théorique (dd 63, uk 270) se situe
en pleine montagne. Or deux inscriptions (CIL 22787 et 22788) trouvées
sur la même décumanus 65 quelques kilomètres plus au sud, précisent que
l’arpenteur “ a établi ce bornage, .. selon la forma
remis par l’empereur (Trajan), .. au pied de la montagne, mais qu’il n’a
pu atteindre son sommet ”. Il s’agit selon nous mais aussi pour Barthel,
de cette borne 7 qui marque la frontière entre les Nybgenios et les Tacapitanos.
On doit donc admettre que les difficultés techniques ont empêché l’arpenteur
d’atteindre le point théorique et qu’il a placé sa borne au plus près.
Et, ce point théorique ne peut qu’être sur le limes 270 qui est la seule
ligne privilégiée.
L’intérêt de cette double grille (fig. 7) est évident pour le géomètre. Il peut prendre soit l’une ou soit
l’autre des quatre directions (
,
, K ou D) pour contourner un obstacle majeur. Il empruntera de
préférence les plaines, les vallées ou les passes, c’est à dire les régions propices à des visées et à un
jalonnement. Dans notre cas, les arpenteurs n’ont pas suivi le decumanus maximus depuis Thala
jusqu’à Gabès, ils se seraient heurtés à de nombreuses chaînes de montagnes (fig. 2). Par contre en
suivant les lignes de la grille losangique, ils emprunteront les grands axes naturels nord- sud, et c’est
justement sur ces méridiennes qu’ont été construites les voies romaines. Les opérations d’arpentage
et la construction du réseau routier sont intimement liées. C’est parce qu’on n’a pas perçu cette
méthode de diagonalisation que certains auteurs sont arrivés à des conclusions historiques contraires
(Trousset P. 1978, p. 156).
Borne de l'O. el Tmerina. On lit : DD 73, UK 275.
Borne de Bir Oum Ali (20).
On lit DDLXXXX(I), le I est tombé avec l'écaille de droite.
Cette méthode nous a permis d’autre part, de lever les ambiguïtés de lecture de certaines épigraphies.
C’est le cas de la dernière borne 21. Nous avons lu Q LXVI < XL, et non pas QPXVI ? > XI ?
comme l’auteur l’a rapporté, ce qui signifie que son dd est égal à 5*66 = 330 et son uk 40. Il en est
de même pour la borne de Kebili (Ill. 4) pour laquelle Davin mais aussi nous-mêmes avons lu DD
LXXXX (90). Pourtant sa position est conforme à la valeur 91qui n’est pas quintarius. Le dernier
chiffre I a disparu, en fait, avec l’écaille tombée bien visible derrière le dernier X. Cette erreur
involontaire rend donc caduques les conclusions de Davin et Legendre qui s’appuyaient sur cette
borne pour situer l’origine sur le sommet du Bou el Hanèche.