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Nouvelles
recherches sur le "Bellum Iugurthinum"
par
André Berthier*, Lionel R. Decramer** et Chérif Ouasli ***.
Résumé.
La vision que l'on a traditionnellement des anciens royaumes berbères
d'Afrique du Nord au début de la conquête romaine, vision qui pour
l'essentiel date d'études historiques de près d'un siècle, paraissait
très partielle, souvent contradictoire et en tout cas, peu conforme
aux fortes traditions des tribus qui les composent encore de nos
jours. De nouvelles recherches ont été conduites sur le terrain,
en Tunisie, au cours de trois missions successives par des équipes
franco-tunisiennes pour retrouver certains sites que le chroniqueur
Salluste nous a si longuement décrits dans son Bellum Iugurthinum.
En suivant pas à pas la campagne du consul Marius dans sa guerre
contre Jugurtha, le roi de Numidie, et Bocchus, l'"aguellid"
de Maurétanie, trois batailles essentielles, trois sites historiques
sont proposés. Les conséquences sont importantes car ces places
remettent fondamentalement en cause la géographie de ces Etats.
Ils permettent de confirmer la proposition d'André Berthier et de
ses amis, à savoir que la Cirta Regia des rois numides était bien
le Kef en Tunisie et non Constantine en Algérie. Ainsi, d'autres
sites - dont parle Salluste lors des campagnes précédentes de Métellus
en Numidie, reconnus par d'autres historiens, mais négligés par
commodité, ont été aussi examinés.
Mots clés :
Afrique du Nord, Afrique romaine, C. Salluste, Bellum Iugurthinum,
C. Marius, Numidie, Cirta-Regia.
Summary.
The traditional vision we have of the ancient Berber kingdoms
of North Africa at the beginning of the Roman conquest, which is
based essentially on the historic studies of the last century, seemed
very partial and often contradictory, and in all cases not in conformity
with the strong traditions of the present-day tribes. New research
has been undertaken in the field in Tunisia, by joint French and
Tunisian teams to identify certain of the historical sites described
in detail by the Latin chronicler C. Sallust, in his Bellum Iugurthinum.
When following step by step the military campaign of the Roman consul
Marius, in the war against the Numidian king, Iugurtha and Bocchus,
the "aguellid" of Mauretania, three important battles,
three historical sites are proposed. The consequences are important
since these places fundamentally question the frontier. These discoveries
confirm, for a large part, the proposal of Berthier and others,
that the Cirta Regia of the Numidian kings was in fact El Kef in
Tunisia and not Constantine in Algeria. Furthermore, other historical
sites, mentioned by Sallust during the previous campaign by Metellus
in Numidia, which were recognized by some historians but conveniently
forgotten, have been confirmed.
Key
Words : North Africa, Roman Africa, C. Sallust, Bellum Iuguthinum,
C. Marius, Numidia, Cirta-Regia.
* (1907-†2000)
Ancien correspondant de l'Institut de France.
** Section
Archéologie de l'Asc (Association Sportive et Culturelle) du CNES
(Centre National d'Etudes Spatiales). Toulouse. France. E-mail :
lionel.decramer@cnes.fr.
*** Association
de la Maison de la Culture de Kalaat Senam. Le Kef. Tunisie.
Nouvelles
recherches sur le "Bellum Iugurthinum" [i] .
On ne saurait que peu de choses sur les anciens royaumes berbères
d'Afrique du Nord, si le Bellum Iugurthinum ne nous était
pas parvenu. Salluste [ii] , qui fut nommé gouverneur de
l'Africa Nova par César un demi-siècle après les événements qu'il
décrit, connaissait bien ce pays et nous a rapporté des faits précis.
Outre le récit de cette "guerre contre Jugurtha", il nous
donne un aperçu, avant la conquête romaine, de la géographie et
de l'histoire ancienne de ces royaumes de Numidie et de Maurétanie.
Cette géographie historique, largement modelée ensuite par les travaux
des spécialistes français du 19e siècle, a été influencée
notamment par les idées dominantes de l'époque. Cette vision historique
a provoqué et provoque encore, à travers les résistances culturelles
dans ces pays, des réactions contre les schémas simplificateurs
des bienfaits de la civilisation romaine
[iii] , ou contre l'héritage des frontières coloniales.
Elle reste encore un élément non négligeable de l'actuelle géopolitique
de cette Afrique du Nord.
Le
Muluccha, fleuve frontière incertain.
Concernant les limites anciennes de ces royaumes berbères, Salluste
est formel : le fleuve Muluccha servait de frontière entre les royaumes
de Jugurtha et de Bocchus (Iug. XIX, 7 et XCII, 5). Il précise même
que Jugurtha, lors du partage de la Numidie à la mort de Micipsa,
hérite de la partie qui jouxte la Maurétanie (Iug. XVI, 4). Le problème
de ce fleuve frontière Muluccha a fait couler beaucoup d'encre chez
les historiens, il a été l'objet de bien des controverses, rarement
de recherches prospectives et jamais de recherches archéologiques.
Nous devons à Stéphane Gsell [iv] la première synthèse de cette histoire ancienne
de l'Afrique du Nord. Son œuvre monumentale, qui date de 1927, est
encore influente. Il pensait reconnaître dans le Muluccha de Salluste,
le fleuve côtier marocain Moulouïa
[v] , rejetant ainsi les propositions d'autres auteurs
: le Mellègue [vi]
ou l'oued Sahel [vii] . En particulier, il pensait que la Moulouïa
portait le double nom de Muluccha et de Malva. En réalité, le nom
de Malva s'applique toujours à la Moulouïa. Pomponius Méla et Pline
l'Ancien appliquent le nom de Muluccha à un fleuve distinct de la
Moulouïa et coulant plus à l'Est. Quant à Strabon, il parle de Molochath
( ) comme limite des Maures et des Masaesyles. Mais Gsell conclut
que la source utilisée par Mela et Pline était erronée et admet
que l'antique Maurétanie s'étendait sur l'actuel royaume chérifien,
tandis que la Numidie couvrait la majeure partie de la Tunisie et
la totalité de l'Algérie tellienne. Evidemment, des doutes furent
émis par d'autres chercheurs [viii] , Syme
[ix] estimait qu'il n'y a qu'un cas sur trois pour que
le Muluccha de Salluste ne soit pas la Moulouïa située si loin à
l'Ouest. Mais ces réserves sont restées sans suite véritable.
Plus récemment encore Desanges [x] , par une lecture particulière
de certains manuscrits du Bellum Iugurthinum - que ne retient
pas Ernout [xi]
et que réfute Berthier [xii] - croit reconnaître dans Tucca [xiii] , le lieu où ont débarqué les
émissaires romains (Iug. CIV, 1), venus négocier le traité de paix
avec le roi Bocchus. Ce qui fait dire à Nicolet
[xiv] "que les soldats de Rome sont bien parvenus
dans l'actuel Maroc oriental". Conclusion reprise in extenso
dans un mémoire universitaire plus récent
[xv] . Pourtant cette thèse, largement partagée, basée
essentiellement sur l'onomastique, manque de confirmation archéologique
sur le terrain. La référence à une Tucca romaine plus tardive et
incertaine n'est pas suffisante pour démontrer l'existence d'un
ancien port numide où Marius aurait établi un camp.
Fig.1
: Carte de l'Afrique du Nord et de la marche de Marius.
Le
Castellum de Salluste.
Salluste nous apporte sur ce fleuve Muluccha, une précision importante.
Voici ce qu'il écrit :
"Non loin
du fleuve Muluccha, qui séparait les royaumes de Bocchus et de Jugurtha,
il y avait, tranchant sur le reste de la plaine, une montagne rocheuse
d'une hauteur immense, assez étendue pour porter un fortin ..."
(Iug. XCII, 5). Il consacre quatre chapitres (Iug. XCII à XCV) au
siège de cette forteresse avec de nombreux éléments descriptifs
- apport incomparable pour déterminer ce site.
Gsell [xvi]
reconnaissait que cette forteresse (sur les rives de la Moulouïa)
est "fort éloignée des lieux où les Romains avaient combattu
et hiverné jusqu'alors", mais il concluait à l'impossibilité
de retrouver son emplacement sous prétexte qu'il y a en Afrique
beaucoup de tables rocheuses qui répondent à cette description.
L'argument n'est certainement pas convaincant, puisque Mercier [xvii] a tenté de la retrouver et a proposé pour cette
"montagne immense" de Salluste, un mamelon situé près
de l'oued Sahel (Kabylie, Algérie). Carcopino
[xviii] , conscient de l'importance stratégique de cette
position, crut reconnaître dans le poste marocain de Taourirt la
citadelle numide, mais il juge sa solution assez "aventureuse".
Taourirt est
très éloigné du champ habituel des opérations des Romains et se
trouve à plus de 1500 km de Gafsa (fig. 1), ville que Marius venait
d'enlever précédemment (Iug. XCI, 4). Une telle opération n'a pas
de sens stratégique et paraît matériellement impossible, même si
on suppose une année de campagne de Marius dont Salluste ne dit
pas un mot : il n'y a pas de rupture dans son texte entre la prise
de Gafsa et l'arrivée près du fleuve Muluccha. Au contraire, l'auteur
évoque la connaissance "des malheurs de Capsa" par les
habitants des villes enlevées au passage par Marius (Iug. XCII,
3). Il serait difficile d'admettre pour l'époque, que les habitants
de ces villes, algériennes dans ce cas, soient informés d'événements
se déroulant dans le lointain Sud tunisien.
Cette expédition lointaine marocaine est une "vraie énigme"
pour Syme [xix]
, "d'où une double difficulté pour le Muluccha (Moulouïa)
avec ni nom, ni indication pour expliquer comment Marius atteignit
cette région reculée, et nulle mention de quartier d'hiver entre
107 et 106". Ainsi, cette chevauchée lointaine de Marius à
travers une "Algérie en rébellion" pour aller prendre
cette place forte au Maroc et revenir ensuite sur ses pas, paraissait
bien étrange en vérité.
Pourtant, dans un ouvrage paru à Constantine en 1950, Berthier et
ses collaborateurs
[xx] avaient proposé une solution qui levait ces ambiguïtés.
Pour eux, le Muluccha est l'oued Mellègue et la forteresse, un plateau
tabulaire, la Kalaat-Senam en Tunisie. Si cette thèse a parfois
ébranlé certains
[xxi] , elle était rejetée par de nombreux autres auteurs,
par exemple Tiffou
[xxii] , Julien
[xxiii] .
Pour tenter de réconcilier deux thèses si contradictoires, une investigation
archéologique sur le terrain était souhaitable à Kalaat-Senam en
Tunisie mais aussi à Taourirt au Maroc. Ce qui fait dire à Tiffou [xxiv] que le Muluccha
"restera hypothétique, tant qu'on n'aura pas repéré avec certitude
l'éminence rocheuse peinte assez précisément par Salluste".
Au lieu de cela, le texte de Salluste continue d'être discuté
[xxv] et "certains conçoivent le grave soupçon
que l'historien soit victime d'erreur ou de confusion" [xxvi] . Le jugement de Gsell "nous
ne tenterons pas, d'après les données de Salluste, de retrouver
l'emplacement de ces sites" a influencé à décourager, peut-être,
de nouvelles recherches sur le problème.

La légende
de Jugurtha.
Il existe en Tunisie, près de la frontière algérienne, au sud de
la ville du Kef, une montagne
tabulaire remarquable,
la Kalaat-Senam, appelée localement "Table de Jugurtha".
La tradition orale indigène vivace dans ce pays
[xxvii] rapporte que le roi "Yougourtha" ait
livré ici une bataille cruciale. Le capitaine de Vauvineux [xxviii] , un géodésien du service
géographique de l'Armée, avait donné une description précise de
cette "kalaa qui s'appelle Table de Jugurtha et où la
tradition veut que Jugurtha ait caché ses trésors, cherchés en vain
par les Romains".
Monchicourt [xxix]
, un autre géographe, rapportait lui aussi cette légende
en précisant que la Table est "le point où le prince numide,
pourchassé par Métellus, avait déposé ses femmes et ses trésors".
Supposition qu'il trouvait gratuite, puisqu'il s'agit dans le récit
de Salluste de la ville de Thala (Iug. LXXV, 1). Cependant, il précisait
que la confédération des Hanencha, qui vivait en smala [xxx] autour de
Thala aux 16e -17e siècles, prenait cette
kalaa pour refuge et y enfermait leurs richesses en période
d'insécurité ; particularité évidente puisque cette forteresse naturelle
est proche et bien visible de Thala. Cette coutume indigène est
troublante. On serait plutôt tenté de la rapprocher de la fuite
nocturne de Jugurtha, fuyant sa ville assiégée par Métellus, en
emportant ses enfants et une grande partie de sa fortune (Iug. LXXVI,
6), pour les mettre à l'abri dans cette place forte voisine, que
Marius, l'année suivante (M. 106, G. 107)
[xxxi] , veut enlever à tout prix (Iug. XCII, 6) au retour
de son expédition à Capsa (Gafsa qui se situe à 140 kilomètres au
sud de Thala).
Pour ce que
nous savons, les études ethnologiques sur les Berbères [xxxii] du Maroc ne
signalent pas de telles traditions. Originaire de la région de Kalaat-Senam,
nous connaissions la Table de Jugurtha et les propos qui s'y rapportaient.
Nous connaissions aussi le fleuve voisin, le Mellègue qui prend
sa source dans les Aurès et se jette près d'Utique sous le nom de
Medjerda. Son bassin versant est bien plus vaste que celui de la
Medjerda qui lui donne son nom. Il couvre une grande partie de l'Algérie
orientale et de l'Est tunisien. Orographiquement et géographiquement
la région du Mellègue est une zone de transition importante entre
les tribus nomades du Sud et celles sédentaires du Tell. Le nom
de Mellègue ou Melleg [xxxiii] , dérive du mot berbère Melek
ou punique (MLK) qui signifie roi, propriétaire, d'où les transcriptions
latines "Malchio, Malchius", et sans doute "Muluccha,
Muluchae, Malucha" des diverses versions des textes de Salluste.
Sur le plan onomastique, ces termes conviennent mieux que le terme
de Muthul proposé par Gsell [xxxiv] et accepté comme dérivé de
ce nom dans la thèse traditionnelle.
La Table
de Jugurtha.
Trois missions franco-tunisiennes se sont rendues à Kalaat-Senam
[xxxv] pour investiguer, puisque aucune recherche n'avait
été conduite jusque là. Cette montagne tabulaire domine par sa masse
et par son altitude (1271 m) les Hautes Terres environnantes de
près de 600 m (fig. 2), et ses falaises calcaires surmontent de
plus de 100 mètres un immense cône d'éboulis. Cette mésa quasi ovale
couvre une superficie de 80 ha. "Assez étendue pour porter
un fortin, auquel on n'accédait que par un sentier étroit"
(Iug. XCII, 5) dit Salluste. Les vestiges d'une menaa
[xxxvi] , occupée par les Berbères jusqu'en 1910,
en couvrent environ 4 ha, aux quels on n'accède que par "un
sentier fort étroit et bordé de précipices"
Ce sentier,
taillé dans le roc, serpente à flanc de paroi selon des chicanes
habilement aménagées, il est protégé à mi-hauteur par une tour massive
byzantine, fermée par une lourde porte. Cette porte "qui ferme
tous les soirs l'accès de la montagne" précise le capitaine
de Vauvineux, n'existe plus de nos jours. Ce sentier escalier (fig.
3) d'une hauteur de 40 m constitue un système défensif efficace
qui permet à peine le passage de deux hommes de front ou d'un cheval.
Des petites cavités ont été taillées dans les marches polies comme
du marbre par l'usure des passages pour permettre à l'animal de
poser ses sabots. On monte l'escalier, qui vient d'être réaménagé,
"sous la menace des blocs de pierre, qui pourraient se détacher
de la falaise, s'il s'agissait d'une attaque" [xxxvii] . A la sortie de l'escalier,
on débouche sur une esplanade, libre de nos jours mais "entourée
de parapets qui permettent de concentrer des feux de mousqueterie
sur la tête de l'escalier", remarquait encore le capitaine
de Vauvineux en 1896. Ensuite, on rentre immédiatement dans l'ancienne
menaa par un sentier puis une ruelle bordée de pierres bien
appareillées. (Iug.XCII, 8).
L'escalier conduisant au fortin.
La Table de Jugurtha n'est accessible que par sa face nord. Le reste
est un vaste cône, peu praticable, encombré d'éboulis et de blocs
énormes détachés des falaises impressionnantes. On accède au pied
de l'escalier par une longue esplanade, bordée du côté nord d'un
talus rocheux et de l'autre par les parois verticales, parfois surplombantes.
On se trouve alors directement sous les traits des archers ou des
frondeurs (Iug. XCIV, 3) placés sur ces hauteurs, et on comprend
qu'il fut difficile de manœuvrer des engins de siège qui se retrouvent
immédiatement sous le feu ou les coups de pierres (Iug. XCII, 8).
"Cette place renfermait les trésors du roi, elle était pourvue
d'hommes et d'armes en suffisance, d'une grande provision de blé
et d'une réserve d'eau vive" (Iug. XCII, 7). Dans la menaa,
on a retrouvé de nombreux silos à grains [xxxviii] (fig. 6),
taillés à même le roc, profonds et refermés par une dalle de pierre
recouverte elle-même de terre, parfaitement étanches à la pluie
et discrets aux regards. Selon Monchicourt, les indigènes renouvelaient
chaque année par moitié leurs provisions de blé [xxxix] . La tradition rapportée par
de Vauvineux et qui nous a été aussi signalée prétend que Jugurtha
aurait caché ses trésors dans ces silos. Nous avons dénombré aussi
dix-neuf réservoirs d'eau (fig. 6) parfaitement taillés dans la
structure en lapiaz. Ces citernes d'une contenance de 440 m³ environ
ne sont pas romaines, comme le laisse entendre l'enquête sur les
"Installations Hydrauliques Romaines en Tunisie" qui,
incidemment, n'en a relevé que cinq
[xl] .
En
effet, en effectuant un calcul corrélatif sur les nombreuses mesures
des dimensions des bassins, on arrive à une valeur de 0,53 m
[xli] . Cette grandeur correspond à la coudée punique,
elle n'est ni romaine, ni arabe, mais plutôt punique. D'autres réservoirs
(redirs) de ce type, taillés dans le roc, ont été signalés
dans les montagnes voisines par les officiers topographes. Par ailleurs,
des monnaies numides et romaines ont été trouvées sur la Table [xlii] . Cette place forte était inconstestablement
numide.
Tous
les éléments descriptifs de Salluste s'appliquent parfaitement à
cette "montagne rocheuse, d'une hauteur immense".
Fig.
7 : Plan du castellum.
Le stratagème du Ligure.
Il suffit d'être
au pied de cette formidable forteresse naturelle pour comprendre
pourquoi "Marius avait perdu bien des jours et des peines,
et se demandait, non sans angoisse, s'il abandonnerait l'entreprise"
(Iug. XCIII, 2). Salluste nous rapporte ici l'anecdote du Ligure,
amateur d'escargots, que Frontin reprit [xliii] dans ses Stratagèmes.
Il découvre, par hasard, une voie cachée qui permet d'accéder sans
encombres à la plate-forme de la citadelle (in castelli planitiem,
Iug. XCIII, 4), par laquelle il conduira ensuite un commando qui
prendra les défenseurs à revers (Iug. XCIV)
Trouver la faille où le Ligure s'était glissé ne fut pas une tâche
facile, même pour le guide de haute montagne qui faisait partie
de l'équipe puisqu'il était question de refaire une voie d'escalade
historique [xliv] , car la kalaa
est une montagne calcaire aux parois abruptes sur toute sa périphérie.
A l'extrémité nord-ouest de la Table s'ouvrent trois crevasses (fig.
6) dont une très profonde, "mais qui paraît n'aboutir qu'à
un escarpement en surplomb"
[xlv] . Cet escarpement a été escaladé, mais une redescente
comme fit l'auxiliaire ligure, est impossible. La voie du Ligure
a été découverte dans l'angle nord-est du plateau (fig. 5), derrière
de gros monolithes (les Fahouls). On y accède par un couloir
humide où les escargots abondent [xlvi] . On franchit ensuite une niche,
puis on escalade la fissure d'une diaclase en s'aidant des aspérités
rocheuses et en s'accrochant aux racines d'un lierre persistant
(Iug. XCIII, 4). On débouche sur le plateau, à l'abri des regards
des défenseurs postés au-dessus de l'escalier que l'on aperçoit
au loin. Par une marche descendante en écharpe au milieu des replis
du terrain, on aboutit enfin sur les arrières du village. La descente
de la faille par la même voie a été vérifiée. Une réponse au stratagème
du Ligure était trouvée.
"Sorti du camp pour la corvée d'eau, sur le flanc du fortin
opposé à celui de l'attaque" (Iug. XCIII, 3) rapporte Salluste.
Le passage se situe bien à l'entrée de l'esplanade des combats,
à l'opposé de l'escalier (fig. 6), et près du chemin qui conduit
à deux sources voisines : l'Aïn Jénène et l'Aïn Arsaz (fig. 7) aménagées
de longue date. Un bassin recueille les eaux de la première dans
lequel les animaux domestiques viennent s'abreuver. La seconde est
canalisée par de gros blocs taillés (probablement romains). La largeur
du canal indique qu'elle devait être abondante. Actuellement, son
eau resurgit quelques mètres plus bas dans une citerne moderne.
Les bergers et les nomades de Gafsa qui transhument ici encore de
nos jours [xlvii] viennent s'y
approvisionner.
Un castra
possible.
Toutes les terrasses qui donnent accès à l'esplanade où étaient
déployés les mantelets et autres engins de siège (Iug. XCII, 8 et
XCIV, 4) ont été explorées. La seule aménageable se situe entre
les
sources et le
couloir du Ligure. L'indication de Salluste "sorti du camp
(castra) pour une corvée d'eau" (Iug XCIII, 2) est précieuse
et le manège du Ligure est vérifié par la topographie des lieux
(fig. 7).
Le terrain est plat, un quasi rectangle de 80 m sur 90 m, orienté
strictement nord-sud (fig. 8). Sa partie sud, traversée par un sentier
bordé de pierres sèches qui descend aux sources, se termine dans
un petit vallon. Ce même sentier remonte, passe devant la faille
du Ligure et rejoint l'escalier. Cette terrasse est bordée à l'est
par une croupe portant des soubassements de constructions (romaines
?) et un pressoir à huile [xlviii] taillé dans
un gros bloc calcaire. A l'ouest, trois talus successifs de 30 m
de large environ sur une longueur de 160 m environ, présentent un
léger escarpement avec contre-pente faiblement marquée. Le tracé
en crémaillère est atypique, étranger aux habitudes locales des
champs en terrasse et non imposé par le relief. La partie nord rectiligne
de la plate forme est bien marquée. Elle se prolonge d'une partie
plate plus confuse. L'organisation de l'espace, adaptée au terrain,
est conforme aux indications de Polybe
[xlix] (fig. 9). La superficie des terrasses et de ses
extensions (2,3 ha, fig. 7) est comparable à celle d'un camp de
Masada [l] .
Cet emplacement n'est pas très étendu, mais il est placé de façon
stratégique pour un camp de commandement : près des sources que
l'on peut surveiller, avec un accès direct à l'esplanade des combats,
hors de portée de tous projectiles lancés depuis le haut des falaises.
Il est établi à mi-pente, sa façade ouverte aux seules pistes d'accès
des vallons inférieurs, a une pente suffisamment escarpée, impraticable
à une charge de cavalerie. Au sud, la piste qui contourne le grand
éperon de la Table, passe par un collet où se trouvent de nombreux
dolmens. Ce collet stratégique doit être nécessairement gardé. Deux
blocs calcaires excavés en forme d'abri, le dar el aris et
le dar el aroussa (fig. 6) peuvent servir de postes de guet,
comme le remarquait Monchicourt
[li] . Au sud, l'arrivée depuis Aïn Senam (anciennes
mines) devait être aussi surveillées. Ces postes complètent ainsi
le système défensif (fig. 7).
Les contraintes du terrain sont impératives. Marius était tenu de
placer ses troupes aux points stratégiques : la sortie du castellum,
les sources, les emplacements névralgiques pour éviter toute surprise.
A ne pas en douter, un détachement permanent devait veiller au pied
de l'escalier pour empêcher toute sortie des Numides. La bordure
extrême de l'esplanade et la petite crête rocheuse nord sont hors
de portée des frondes et des flèches. Elles peuvent servir de zone
de stationnement et de préparation des engins de siège qu'on approchait
ensuite au pied de l'escalier (fig. 7).
Le nombre de
légions dont disposait Marius n'est pas formellement indiqué par
Salluste. Sa troupe ne devait pas être très nombreuse, Salluste
parle de centuries et d'escadrons (Iug. XCI, 1), puisqu'il revenait
d'un raid en plein pays désertique. Salluste souligne les difficultés
logistiques posés et le problème du transport de l'eau (Iug. XCI).
On sait que ces difficultés croissent de façon exponentielle en
fonction de l'importance numérique des soldats [lii] . Selon cette
importance, les troupes peuvent être encore disposées en contrebas
sur de vastes champs, en aval les deux sources. Comme le problème
de l'eau est crucial en ce pays aride, les renforts amenés par Sulla
à la fin du siège (Iug. XCV, 1) pouvaient trouver à l'abondante
source d'Aïn Senam l'eau indispensable à ses chevaux. Elle se situe
à l'opposé de la montagne (fig. 6 et 7).
Ce site est
archéologiquement vierge et semble assez bien conservé, car éloigné
de toutes zones habitables. Ces recherches sont nécessaires, car
la Table de Jugurtha est un site numide exceptionnel ; la présence
de nombreux dolmens (senam [liii] ), de mégalithes, d'escargotières néolithiques [liv] , de blocs sur
lesquels sont gravés un cercle inscrit dans un triangle (signes
de Baâl et Tanit ?), d'une nécropole berbère montrerait qu'il s'agirait
d'une area sacra [lv] . Des recherches
prometteuses sur ce site viennent d'être engagées par M. M'Charek
[lvi] qui voit dans la "Bulla mensa"
de Ptolémée, cette Table de Jugurtha "où certains épisodes
de la guerre de Jugurtha ont pu avoir lieu".
En conclusion,
nous suggérons que l'éminence rocheuse peinte par Salluste est la
Table de Jugurtha. Par conséquent, le fleuve Muluccha ne peut pas
être la Moulouïa marocaine, mais le Melleg.
Fig.9
: vue aérienne sur le camp et les sources.
Le Melleg, une rivière frontière historique
Cette rivière
servait de frontière entre les deux royaumes de Numidie et de Maurétanie
(Iug. XIX, 7). Apulée de Madaure [lvii] (M'Darouch dans la vallée du Melleg) déclare
aussi que sa patrie est située "Numidiae et Gaetuliae in
ipso confinio". Cette frontière historique a été bornée
en 104-105 par le légat L. Minicius Natalis (CIL 2080 à Madaure
et 2828 au sud de Madaure) et confirmée ensuite par le légat L.
Strabo Nummus en 116 (CIL 2829 au sud de Madaure) afin de délimiter
le territoire des Musulames. D'autres bornes de délimitation se
situent près de l'O. Maksouba, un tributaire du Melleg, au sud celles
d'Aïn Kemellal (CIL 2988 et 2989) et de Ksar el Boub (CIL 2978),
à l'est les bornes du Khanguet Nasser (CIL 2939 et 2939 bis) près
d'Ammaedara et dans la commune de Kalaat-Senam (ILT 1653).
Enfin la découverte récente au nord de la Table de Jugurtha d'une
borne du légat L. Strabo Nummus [lviii] à henchir
El Greya , près de l'O. bou Salah, un autre tributaire du Melleg
vient de confirmer cette frontière. Ces bornes de limitation circonscrient
parfaitement le territoire des Musulames au bassin supérieur de
l'O. Melleg [lix]
.
La lecture des
confronts [lx] de la borne de
Kalaat-Senam permettrait de lier ce bornage à la grande centuriation
tunisienne [lxi] . Cette grande entreprise de
cartographie et d'aménagement du territoire exécutée probablement
sous Auguste [lxii] par la III Legio Augusta
qui stationnait à Ammaedara serait une des causes de la révolte
de Tacfarinas [lxiii] . Berthier
[lxiv] rappelant que le général des Musulames, Tacfarinas
fit alliance avec les Maures "ses voisins" (Maurosque
accolas), met ici en évidence leur proximité.
La Maurétanie
de Bocchus se situerait donc du côté des Aurès-Némentcha en Algérie,
tandis que le royaume de Jugurtha s'étendrait pour sa partie ouest
au bassin supérieur de l'O. Melleg, c'est à dire au-delà de l'actuelle
frontière tuniso-algérienne.
La bataille
des deux collines.
Arrivé de Rome, Sulla rejoint donc Marius dans son camp avec une
nombreuse cavalerie (Iug. XCV, 1). Notons, toujours selon Salluste,
qu'il n'avait ni expérience de la guerre, ni connaissance du pays
(Iug. XCVI, 1). Sulla a débarqué à Utique, le port naturel de sa
province d'Afrique, cité plusieurs fois par Salluste (Iug. XXVI,
5; LXIII, 1; LXXXVI, 4; CIV, 1). La traversée de la quasi-totalité
de l'Afrique du Nord pour se rendre jusqu'aux bords du Muluccha
semble peu vraisemblable pour un général peu expérimenté. Par contre
pour se rendre à la Table de Jugurtha, la route connue et gardée
par les Romains, passe par Larès. Larès où Marius avait laissé en
garnison son lieutenant A. Manlius avec son infanterie légère (Iug.
XC, 2). Larès n'est qu'à trois jours de marche de la Kalaat-Senam
(fig. 10) et nous savons que Manlius participe avec Sulla aux combats
qui vont suivre (Iug. C, 2) [lxv] .
Tandis que Marius est occupé devant la Kalaat-Senam, Jugurtha s'allie
avec son beau-père Bocchus (Iug. XCVII, 1). Une fois les cavaliers
numides et maures réunis, les rois attendent que les Romains sortent
de leurs camps fortifiés. "Ils marchent sur Marius qui déjà
regagnait ses quartiers d'hiver et tombent sur lui
au moment où
il restait à peine la dixième partie du jour" (Iug. XCVII,
3). C'est l'embuscade, tactique favorite de Jugurtha et des Numides.
Cette bataille est essentielle, car elle situe Cirta, la capitale
numide. Gsell en est conscient et précise "deux batailles,
séparées par un intervalle de deux jours, et dont la seconde fut
livrée à peu de distance de Cirta" [lxvi] . Il reste cependant vague sur leurs emplacements
: quelque part, au sud d'Alger près de la chaîne des Bibans. Pour
sauver ses troupes, Marius "s'empare de deux collines proches
l'une de l'autre, dont l'une, trop petite pour asseoir un camp,
possédait une source abondante, et l'autre offrait une position
avantageuse pour camper, car étant fort escarpée en grande partie,
elle exigeait peu de retranchements" (Iug. XCVIII, 3).
Deux hypothèses
sont à étudier et pourraient répondre à la description de ces deux
collines. L'hypothèse développait par Berthier dans son ouvrage
La Numidie, qui établit un parallèle intéressant entre la
description du relief des Jérissa ("la double Zrissa")
fait par Monchicourt et le texte de Salluste. Ces deux collines
se trouvent sur un axe Table de Jugurtha / Ebba Ksour/ Larès puis
Le Kef ou Utique [lxvii] . Elles répondent
aux problèmes stratégiques de Marius en route vers ses "quartiers
d'hiver" (Iug. XCVII, 3).
La seconde hypothèse,
les collines de Kalaa Jerda situées à 20 km [lxviii] au sud-est
de la Table de Jugurtha et avant les Jérissa, près du carrefour
des voies en provenance de Thala et d'Ammaedara, en direction
du Kef ou de Larès (fig. 10). Entre ces deux collines passe l'ancienne
voie romaine Carthage-Haïdra (fig. 11). Haïdra (Ammaedara),
le futur camp de la III legio Augusta qui sera chargée plus
tard de contrôler cette région frontalière et ses tribus turbulentes [lxix] , n'est qu'à
16 kilomètres.
La petite Jerda SAEK (763 m), trop petite pour asseoir un camp,
avec ses puits (Henchir Henntaïa) et surtout la rivière pérenne,
l'O. el Mrhassel (fig. 11). Elle permettrait d'abreuver une forte
cavalerie, comme la source abondante gardée la nuit par Sulla (Iug.
XCVIII, 4). La seconde colline, la grande Kalaat es Sif (809 m)
avec sa face sud élevée et escarpée (praeceps) et son versant
nord, accessible qu'à pied et impossible à la cavalerie, peut offrir
l'emplacement d'un campement. En effet, il y a sur ce versant, un
replat à mi-pente, entre deux ravins, qui domine le collet que franchit
l'ancienne voie romaine ; il a une superficie d'environ 2,5 ha (fig.12).
Sur la partie basse, la plus plane, on a noté une sorte d'enclos
fait de pierres roulées bien alignées, épousant par endroits les
contours des deux ravins qui le bordent à l'est et à l'ouest. On
y accède par un petit ressaut rocheux. L'ensemble du replat est
ainsi protégé par des obstacles naturels infranchissables aux chevaux.
Cet enclos n'est pas un champ, ce versant est aride et non cultivé,
bien que l'on retrouve quelques redjems [lxx] . Ce ne semble pas être un enclos à moutons,
bien que l'on trouve quelques graffitis plus récents représentant
des chameaux et des personnages gravés sur des dalles alentours.
On y a retrouvé quelques tessons de vieilles poteries berbères.
Les défenses sont naturelles, pourtant Salluste parle de portes
(portis, Iug. XCIX, 1).
Fig
12. Les deux collinesde Kalaa Jerda :
au
1er. plan, un campement possible pour Marius
au
2èm. plan, tranchant dans le ciel la Table de Jugurtha.
Quelle que soit
l'importance numérique de l'infanterie romaine, le flanc nord de
la grande Kalaat es Sif est suffisamment étendu pour accueillir
deux légions. Descriptivement, tactiquement et statégiquement ces
deux collines de Jerda peuvent convenir à la narration de Salluste
(fig. 11). Toujours dans le voisinage et à une journée de marche,
le jebel Bou el Hanèche ne répond pas au critère des duos collis
et nous avons vérifié que son flanc nord ne se prête pas aux
différentes opérations décrites par Salluste.
Fig.
10 : carte des opérations de la campagne de Marius.
La bataille
près de Cirta.
Après cette alerte qui avait été un avertissement, Marius, prudent,
poursuit sa route en direction de Cirta en bataillon carré
(Iug. C, 1). Au bout du quatrième jour, une bataille terrible
[lxxi] s'engage dans une plaine, non loin de Cirta
(Iug. CI, 1), entre les armées royales renforcées par l'infanterie
de Volux, et Marius secondé par son lieutenant Manlius. Dans l'intervalle
de deux jours qui séparent ces combats, Marius ne peut pas se rendre
à Cirta-Constantine en une marche lente et prudente. Constantine
est à plus de 270 km dans la direction opposée des quartiers d'hiver
habituels des Romains (Iug. XCVII, 3 et C, 1). Constantine est de
l'autre côté de la frontière Melleg. Marius ne franchira pas cette
frontière pour se rendre à Constantine. Par contre, la cité du Kef
n'est qu'à quelques dizaines de kilomètres, soit deux ou trois jours
de marche, de Jerissa ou de Kalaa Jerda.
La seule "vaste plaine" (campis) que l'on rencontre
après une traversée d'une zone de monts et de vallées, se situe
à la sortie des coteaux de Kalaat Soltane (fig. 13). Des remparts
du Kef, elle est parfaitement visible. Les récits de l'expédition
de Capsa, de l'attaque du fortin du Muluccha, de la bataille
des deux collines et la bataille finale près de Cirta s'enchaînent
parfaitement. Et, dans cet enchaînement, Marius est qualifié à chaque
fois de consul. Il n'y a pas d'interruption dans sa campagne qui
le conduit de Capsa à Cirta.
Cirta Regia.
Constantine est connu par ses profonds canyons du Rummel. Elle ne
pourrait être entourée d'un fossé et d'une palissade (uallo atque
fossa moenia circumdat) (Iug. XXI, 3). La topographie des lieux
donnée par Salluste ne convient pas à Constantine, ce qui a fait
dire à Gsell que Salluste "ne connaissait pas Cirta (aujourd'hui
Constantine)"
[lxxii] . Par contre, cette topographie pourrait s'appliquer
à la citadelle du Kef (fig. 13). L'argument n'est pas nouveau et
largement développé par Berthier
[lxxiii] , mais il est majeur pour qui a examiné les
deux sites.
Enfin, nous ne ferons pas état ici - ce qui serait hors de propos
par rapport à l'œuvre de Salluste - des nombreuses épigraphies concernant
Cirta-le Kef [lxxiv]
. Il a toujours été connu que Cirta était un de ses noms,
comme il y avait de nombreuses villes en Afrique du Nord qui portaient
le même nom : Hippo, Zama, Leptis, etc. Il
faut accepter l'existence de deux Cirta. La Cirta royale deviendra
plus tard colonia Cirta Nova Sicca, puis Sicca
Veneria, nom donné aussi au Kef par la Table de Peutinger et
l'Itinéraire d'Antonin.
Fig
13 : La ville du kef, l'ancienne Cirta Regia.
Ces documents géographiques, bien que tardifs (IIIe et IVe siècle
pour la Table de Peutinger, IIIe pour Antonin) et comportant de
graves erreurs
[lxxv] , n'en sont pas moins précieux pour qui voulait
connaître la géographie de cette Afrique du Nord romaine. Lorsque
les Français s'intéressèrent à l'Antiquité de ces pays, la tâche
était immense et les spécialistes peu nombreux. Aussi le Ministère
de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts chargé des travaux archéologiques,
s'adressa au Service Géographique des Armées pour leur venir en
aide. Il était demandé, par instructions spéciales
[lxxvi] en 1885, aux officiers topographes qui exploraient
le pays, de relever notablement les voies et leurs bornes milliaires,
en s'appuyant expressément sur ces documents. Les travaux réalisés
par ces officiers topographes sont remarquables. On leur doit nombre
de découvertes, de ces villes étapes en particulier. Qu'à l'époque
de ces documents géographiques (IIIe et IVe. siècles), Cirta
soit Constantine et Sicca Veneria au Kef, n'a rien d'étonnant
: tous les archéologues et les officiers
[lxxvii] en étaient convaincus.
Mais les cartes
qui en ont été déduites manquent parfois de synchronisation des
données historiques. Et comme le fait remarquer Salama [lxxviii] , "cet anachronisme
est la rançon de la cartographie historique dès que celle-ci se
réfère à une période de longue durée". Que penser alors d'une
période débordant de la conquête romaine ? On peut alors se demander,
comme le souligne Berthier [lxxix] , si la confusion dans la dénomination de Sicca
et Cirta Regia ne relèverait pas d'un tel anachronisme.
On peut, à juste
titre, se poser la question. En effet, pour ses recherches archéologiques
le Comité [lxxx]
s'appuyait à cette époque, dans un soucis de simplification,
sur une Afrique totalement romanisée et tardive. La carte de l'Afrique
romaine annexée
[lxxxi] , la Table de Peutinger et l'Itinéraire d'Antonin
servant de référence à ces conseils souffraient déjà de cette simplification
abusive et de ce métachronisme : Cirta est à Constantine
et Sicca Veneria au Kef, la Numidie est rejetée dans l'Est
algérien et les Musulames dans les Aurès. Ces instructions n'auraient-elles
pas abusées certains chercheurs ? Près de quatre siècles se sont
écoulés entre cette "Guerre de Jugurtha" et ces données
géographiques plus tardives et l'on sait les modifications profondes
apportées par Romains dans ces pays. Il serait, peut-être, nécessaire
de réexaminer l'état de l'Afrique sur des données historiques plus
concomitantes.
Par contre,
Salluste est contemporain de ces événements, il connaissait le pays.
Les faits rapportés et les descriptions des lieux évoqués précédemment
le prouvent. On ne peut pas toujours le soupçonner d'erreur ou de
confusions [lxxxii] . Il suffit
simplement de monter sur les remparts de la citadelle (byzantine)
du Kef pour observer au loin "tranchant sur le reste de la
plaine, cette montagne rocheuse d'une hauteur immense, assez étendue
pour porter un fortin" (Iug. XCII, 5). Cette Table de Jugurtha
qui identifie le Muluccha-Melleg, frontière des deux royaumes, confirme,
s'il le fallait, la Cirta royale.
La bataille
du Muthul.
Puisque le Melleg est le Muluccha, quel est donc ce fleuve appelé
Muthul par Salluste ? Lors de sa première campagne en 108
en Afrique, Métellus mène une bataille vigoureuse avec son adjoint
Marius contre Jugurtha et les éléphants de Bomilcar près du Muthul.
Voici comment Salluste décrit les lieux : "Dans cette partie
de la Numidie qu'Adherbal avait eue en partage, coule un fleuve
appelé Muthul, dont la source est au midi; à environ vingt mille
pas de là [lxxxiii]
, se trouvait en ligne parallèle au fleuve une chaîne
de montagnes naturellement stérile, et que les hommes ont laissé
inculte ; du centre se détachait une sorte d'éperon, s'étendant
à perte de vue, et revêtu d'oliviers sauvages, de myrtes, et autres
espèces qui poussent dans un terrain sec et sablonneux. Quant à
la plaine située entre la montagne et le Muthul, elle était désertique
faute d'eau, sauf dans la partie voisine du fleuve ; celle-ci plantée
d'arbustes, était fréquentée par des cultivateurs et le bétail (Iug.
XLVIII, 3 et 4 ).
Fig.
14 : le jebel Nasseur Allah depuis l'O. Tessa (Muthul)
La question de savoir quelle rivière se nommait Muthul a beaucoup
été discutée et plusieurs suggestions pour l'identifier ont été
faites. Gsell, Carcopino, Van Oothegen
[lxxxiv] ont cru reconnaître l'O. Melleg, d'autres l'O.
Mafragh, ou l'O. Seybouse en Algérie, la Siliana et même la Medjerda
en Tunisie [lxxxv]
. Pour rendre compatible la version du Melleg avec le
texte de Salluste, Gsell
[lxxxvi] rend fautif l'auteur ou le copiste sur la distance
de "vingt milles". A notre avis, Ch. Saumagne [lxxxvii] qui connaissait particulièrement
le pays a proposé la solution qui réponde au texte sans le besoin
de correction : c'est l'O. Tessa, un autre affluent de la Medjerda.
Le Jebel Gorah, parallèle à l'O. Tessa, se trouve à environ 30 km
[lxxxviii] et l'éperon qui s'étend perpendiculairement
au fleuve, recouvert de lentisques et de zabbous
[lxxxix] , où Bomilcar attend avec ses éléphants
(Iug. XLVIII à LII) est le Jebel Nasseur Allah (fig. 14). La plaine,
en bordure du fleuve, où Rutilius établit un camp, serait la "plaine,
en forme de tête de vipère, qui se termine au Pont Romain qui a
une grosse importance stratégique"
[xc] . Saumagne pense que Métellus, arrivant de Vaga
(Béja), a franchit le col de Sidi Rhazouane où l'embuscade était
tendue par les Numides. A notre avis, le couloir de Bordj-Messaoudi,
entre le Jebel Rhazouane et le Bou-Kalil, par où passe l'ancienne
voie romaine qui mène au Kalakh, la plaine en bordure de l'O. Tessa
(fig. 15), conviendrait aussi au passage de l'armée romaine. Dans
ces deux versions, la topographie des lieux se prête bien aux manœuvres
des deux armées (fig. 15).
Dans ce cas, le "flumen oriens a meridie, nomine Muthul"
est l'O. Tessa, et comme le souligne Saumagne, "il est inadmissible
que Métellus fonce aveuglément vers Cirta (Constantine),...il
s'engage sur le plus direct des chemins qui conduisent vers Sicca
(Le Kef)" [xci] . C'est bien au Kef-Cirta que Métellus se rendait
et non pas à Constantine.

Conclusions.
De nouvelles prospections ont été engagées en Tunisie en rapport
avec le Bellum Iugurthinum. Ces travaux, conduits sur le
terrain par trois missions franco-tunisiennes avec l'aide de la
section archéologie de l'ASC du CNES, apportent des éléments nouveaux
sur la géographie de l'ancienne Numidie. Les éléments matériels
apportés ici permettent d'identifier la Table de Jugurtha avec le
castellum, si minutieusement décrit par Salluste. Cette proposition
que les brigades topographiques avaient faites en leur temps et
reprise par Berthier et ses collaborateurs [xcii] , n'a trouvé que peu de partisans [xciii] . Ceci est surprenant puisque
les opinions contraires n'offrent, en regard de cette Table de Jugurtha,
aucun site digne de reconnaissance archéologique et ne s'appuient
pas sur des réalités ethno-géographiques. Il faut convenir que le
fleuve Muluccha-Melleg n'est plus hypothétique, mais bien une réalité
historique.
La reconnaissance des deux collines où Marius échappe à un désastre
confirme qu'il se rendait au Kef. De la même façon que Saumagne,
nous pensons avoir identifié le Muthul avec l'O. Tessa, et
comme lui reconnu que la ville du Kef était l'objectif des armées
romaines (fig. 16 ). La thèse de Berthier s'en trouve ainsi renforcée.
Cirta Regia, la future Colonia Cirta Nova Sicca, cité
dans laquelle Salluste trouva matière pour rédiger son Bellum
Iugurthinum, n'est pas autre chose que la ville du Kef. Cependant
d'autres sites historiques évoqués par Salluste restent encore incertains.
Et, Sicca, cette bourgade céréalière près de Zama,
n'est pas la moindre de ces interrogations. Les recherches devraient
donc se poursuivre.
En dépit de quelques avancées récentes, les études romano-africaines
sur ce sujet restent, à certains égards, notablement sous-développées,
comme le font remarquer Mattingly et Hitchner [xciv] . Notre souhait est que les
résultats préliminaires (fig. 17) présentés ici encouragent les
archéologues et les historiens [xcv] à ouvrir les
horizons de leurs recherches. La Table de Jugurtha, haut-lieu berbère
exceptionnel, mérite aussi à ce titre le détachement d'une mission
archéologique.
Les
Rédacteurs
Fig.
16 : Carte de la Numidie au moment de la conquête romaine (2èm.
s. av. J.-C.)
Post Scriptum.
Hommage
à M. André Berthier
Correspondant de l'Institut de France, Officier de la Légion
d'Honneur, Médaille militaire, Croix de guerre 1939-1945, Commandeur
de l'Ordre National du Mérite, Commandeur de l'Ordre des Arts &
Lettres, Officier de l'Ordre des Palmes académiques, André Berthier
fut conservateur des archives de l'Est algérien, directeur de la
circonscription archéologique et du Musée de Constantine, où il
resta en poste de 1932 à 1973. A ce titre, André Berthier connaissait
parfaitement ce pays et hautement qualifié pour aborder l'histoire
de l'Afrique du Nord.
Son œuvre archéologique
est considérable. On lui doit notamment, de 1941 à 1973, l'exhumation
systématique de la montagne de Tiddis. Cette entreprise de longue
haleine aboutira en 2000 à la publication par l'Institut de France
de son dernier ouvrage : Tiddis, cité antique de Numidie
(collection Mémoires de l'Académie des Inscriptions & Belles-lettres),
qui couronne la longue vie d'un grand chercheur. Parmi ses œuvres
africaines, citons : Les vestiges du Christianisme antique dans
la Numidie centrale, Alger, 1942 ; L'Algérie et son
passé, Paris, 1951 ; Le "Bellum Jugurthinum"
de Salluste et le problème de Cirta, Constantine, 1950
; Le sanctuaire punique d'El Hofra à Constantine, Paris,
1955 ; Tiddis, antique Castellum Tidditanorum, Alger,
1972 & 1991 ; Constantine, Toulouse, 1965 ; et
surtout La Numidie, Rome et le Maghreb, Paris,
1981.
La thèse d'André
Berthier concernant la Numidie refonde l'histoire entière de l'Afrique
du Nord. Nourrie par une profonde intuition, un bon sens jamais
en défaut et une connaissance lentement mûrie du pays et de sscoutumes,
elle va à l'encontre des idées dominantes de l'époque et de la version
traditionnellement admise, ce qui valut immédiatement à son auteur
bien des inimitiés dans le monde de l'archéologie officielle. Avec
une probité intellectuelle exemplaire pourtant, il n'avait pas hésité
à remettre en cause des vérités enseignées ou des faits semblant
acquis de nos jours encore.
L'histoire traditionnelle
de l'Afrique du Nord, que les premiers archéologues tentaient de
déchiffrer dans un contexte d'une France colonisatrice et paternaliste,
lui avait été enseignée à lui aussi... Ne parlait-il pas, en 1938,
dans sa conférence devant la Société de Géographie de Marseille
de "l'antique Cirta, l'ancienne capitale de la Numidie"
à propos de Constantine dont Ernest Mercier, à qui il rendait hommage,
avait été le premier historien ! Cela se passait dans les premières
années de sa longue carrière en Algérie. Il dira plus tard, dans
son introduction à la Numidie, son mûrissement continu, ce lent
travail d'approfondissement de la connaissance du pays, et sa surprise
de constater combien cette Numidie si différente de celle décrite
et comprise par ses contemporains.
Il évoquera
un jour devant moi en toute simplicité, lors de nos premiers entretiens
puisque j'étais des mines de l'Ouenza et que je m'intéressais à
la Table de Jugurtha, son premier voyage aux mines du Kouif et sa
rencontre avec Alexis Truillot. Rencontre fondamentale, rapportée
dans La Numidie, et qui orientera son œuvre. Alors qu'ils
étaient face à la Table de Jugurtha, cette "montagne rocheuse
d'une hauteur immense, tranchant sur le reste de la plaine",
son ami lui rappela les hauts faits d'armes de Marius rapportés
par Salluste dans sa "Guerre de Jugurtha" pour conclure
sur la Muluccha, frontière tant recherchée, ne pouvait être que
le Melleg qui coule tout près, et non la rivière marocaine enseignée
dans les manuels d'histoire.
A partir de
réflexions de bon sens étayées sur la géographie du pays, André
Berthier a repensé l'ensemble de la question, recherché de façon
méthodique dans les textes antiques et l'archéologie, puis développé
par un faisceau d'arguments solides, une thèse cohérente et logique.
Mais, comme l'écrit l'abbé Wartelle dans sa préface : "Il est
plus difficile de faire admettre une vérité que de la découvrir".
On remarquera qu'il est encore plus difficile pour certains d'admettre
leur erreur.
André Berthier
(comme nous-même) jugeait remarquables les travaux de synthèse
de ses illustres contemporains : Stéphane Gsell et particulièrement
Jérôme Carcopino. Il me fit, touchant ce dernier, en novembre 1995,
une confidence que je me devais de taire de son vivant. Jérôme Carcopino
avait déclaté à André Berthier, en 1950, au Prieuré de La Ferté
sur Aube, au cours d'une de leurs rencontres :
-"Je ne vous donne pas mon adhésion, mais je vous donne mieux
que cela, car je suis hésitant. C'est une victoire pour vous. Ne
tenez plus aucun compte des lettres que je vous ai écrites auparavant.
Cela ferait une belle thèse." Thèse sur la Numidie qui sera
ensuite écrite par André Berthier.
-"Pourquoi hésitation ?", me dit-il et il poursuivit :
-"Il avait rencontré Bernard Simiaux de la Revue "Homme
et Monde", lequel venait de lire l'article de René Louis
sur Cirta Regia".
-"Vous en faites de belles, - dit-il à mon ami -Savez-vous
que, si Berthier a raison, tout ce qu'on a écrit jusqu'ici sur l'Afrique
du Nord serait faux".
L'adhésion de
Jérôme Carcopino aux idées d'André Berthier date maintenant d'un
demi-siècle et on continue de professer dans nos institutions l'absurdité
d'une Numidie monolithique et démesurée, s'étendant depuis les Syrtes
jusqu'à la Moulouïa marocaine. Notre recherche et notre enseignement
universitaire à ce propos souffriraient-ils d'un strabisme cruel
?
La réponse me
fut donnée lors d'une conférence sur nos recherches sur la Table
de Jugurtha par un professeur d'université :
"Vous avez
raison sur la Numidie" me dit-il, et d'enchaîner…"Mais
je ne puis vous aider".
Cette confidence
comprenait deux vérités : la première encourageante que la thèse
d'André Berthier est incontestable, ce qui nous paraissait logique
; la seconde plus subtile qu'on ne s'attaque pas à un dogme. Je
compris alors les lourds et permanents silences qui pesaient sur
sa théorie et les oppositions sournoises qui entouraient nos travaux.
La géographie historique n'est pas une science, elle serait pour
certains une religion. La malédiction dont parle l'abbé Wartelle
se serait-elle abattue sur cette discipline ? Il n'y a pourtant
pas de déshonneur à rectifier une doctrine, si c'est pour faire
avancer la science. Souhaitons que cette discipline reparte sur
des bases archéologiques plus scientifiques.
En attendant,
André Berthier a semé et cette semence a déjà germée dans l'esprit
et le cœur des jeunes peuples du Maghreb.
L.R.
Decramer
Table
des illustrations
******
1 - Carte de
l'Afrique du Nord et de la marche de Marius.
2 - La Table
de Jugurtha tranchant sur le reste de la plaine.
3 - L'escalier
conduisant au fortin.
4 - Pièce numide
retrouvée sur la Table de Jugurtha.
5 - Fissure
du stratagème du Ligure.
6 - Vue aérienne
de la Table de Jugurtha et de ses principaux sites.
7 - Plan du
castellum et emplacement des différents sites.
9 - Vue aérienne
sur le camp et les sources.
10 - Carte des
opérations de la campagne de Marius.
11 - Vue aérienne
des deux collines et ses principaux sites.
12 - Les deux
collines de Kalaa Jerda : 1e. plan, un campement possible
; 2e. plan, la Table de Jugurtha.
13 - La ville
du Kef, l'ancienne Cirta Regia.
14 - Le jebel
Nasseur Allah depuis l'O. Tessa (Muthul).
15 - Carte des
manœuvres de Métellus lors de la bataille du Muthul.
16 - Carte de
la Numidie au moment de la conquête romaine (2e siècle av. J.-C.).
******
[<-] [i] Cet article a été initialement
traduit en anglais pour une revue anglo-saxonne. Il n'a pu être
publié. C'est pourquoi, nous proposons de le publier aujourd'hui
en version originale, en hommage à M. André Berthier, en accord
avec ses héritiers.
[<-] [ii] Sallustius. C. Bellum
Iugurthinum. Les Belles Lettres, 1989, traduction utilisée
ici.
[<-] [iii] Mattingly. D.J., Hitchner R. B. Roman Africa : an archaeological
review. The journal of Roman studies, 1995, p. 165-213.
[<-] [iv] Gsell. S. Histoire ancienne
de l'Afrique du Nord, 1927, t. 1 à 7.
[<-] [v] Gsell. S. Histoire ancienne
de l'Afrique du Nord. Les royaumes indigènes, 1927, t. 5,
p. 91-93.
[<-] [vi] Rinn. L. Les royaumes
berbères et la guerre de Jugurtha. Revue Africaine, 1885,
t. 29, p. 76.
[<-] [vii] Poulle. Annuaire de la
société archéologique, 1863, p. 40-42. E. Mercier. Histoire
de l'Afrique septentrionale, 1891, p. 65.
[<-] [viii] Piganiol A. La conquête
romaine, 1940, p. 371. Syme. R. Sallust, 1964.
[<-] [ix] Syme R. Salluste.
Traduction française de P. Robin, 1982, p. 126.
[<-] [x] Desanges J. Utica, Tucca
et la Cirta de Salluste, 1974, p. 143-160.
[<-] [xi] Ernout E. Bellum Iugurthinum. Les Belles Lettres, 1989,
p. 256.
[<-] [xii] Berthier A. La Numidie.
Rome et le Maghreb, 1981, p. 113 -114.
[<-] [xiii] Tucca : Merdja, petite
localité sur l'oued el-Kebir en Kabylie (Algérie). Cette cité
est incertaine, voir Salama. Les voies romaines de l'Afrique
du Nord, 1951, carte au 1/ 1.500.000.
[<-] [xiv] Nicolet C. Rome et la
conquête du monde méditerranéen, 1978, p. 633.
[<-] [xv] Callegarin L. L'Afrique
de Salluste au travers du Bellum Iugurthinum, 1991, mémoire
de l'université de Toulouse.
[<-] [xvi] Mattingly. D.J., Hitchner R. B. Roman Africa : an archaeological
review. The journal of Roman studies, 1995, p. 165-213.
[<-] [xvii] Mercier (Colonel). Bulletin
du C.T.H.S, 1886, p. 475.
[<-] [xx] Berthier A., Juillet J.,
Charlier R. Le Bellum Jugurthinum et le problème de Cirta.
RSAC, 1950, t. 67.
[<-] [xxi] Van Ooteghen . J. Caïus Marius, 1964, p. 30-35.
[<-] [xxii] Tiffou E. Salluste
et la géographie. Littérature gréco-romaine et géographie
historique, 1974, p. 151-160.
[<-] [xxiii] Julien Ch. A. Histoire
de l'A.F.N. des origines à la conquête arabe. Ed. remise
à jour par C. Courtois, 1951.
[<-] [xxv] Desanges J. La Cirta
de Salluste et celle de Fronton. Africa Romana, 1986.
[<-] [xxvii] Tradition qui nous avait
été rapportée sur place et que confirmait le capitaine de Vauvineux.
[<-] [xxviii] Decramer L., Ouasli
Ch., Martin A. A propos de la Table de Jugurtha (Tunisie).
IBLA, 1999, t. 62, n°183, p. 15-30). Selon les notes archéologiques
du capitaine de Vauvineux prises au cours d'une mission géodésique
en Algérie et Tunisie. 1896. Archives de l'Institut Géographique
National.
[<-] [xxix] Monchicourt. C. La
région du Haut Tell en Tunisie. Thèse de Doctorat ès Lettres,
1913, p. 417.
[<-] [xxx] smala : ensemble
des équipages et de la maison d'un chef arabe.
[<-] [xxxi] Il y a deux chronologies,
celle de Mommsen (Mommsen. Th. Histoire romaine, t. 1,
Ré-édition 1985) à savoir : campagnes de Metellus 108 et 107,
Marius consul en 107, campagnes de Marius 106 et 105, défilé
triomphal de Marius à Rome janvier 104, et celle de Gsell (Gsell.
S., 1927) qui propose : campagnes de Metellus, 109- 108 ; campagnes
de Marius, 107 -106.
[<-] [xxxii] Camps G. L'origine
des berbères. Les Cahiers du CRESM, 1981. "Une frontière
inexpliquée : la limite de la Berbérie orientale de la protohistoire
au Moyen -Age". Mélanges offerts à Jean Despois, 1973.
[<-] [xxxiii] Les deux orthographes
sont admises. Nous retiendrons ici le nom de Melleg qui est
plus proche de son nom d'origine.
[<-] [xxxv] kalaat : forteresse,
citadelle naturelle chez les indigènes.
[<-] [xxxviii] Decramer L. L'énigme
du castellum de Salluste dans la Guerre de Jugurtha. L'Information
Historique, 1996, n°58, p. 141.
[<-] [xli] Decramer L. Le castellum
de Salluste et la Table de Jugurtha, 1995, rev. archéologique
Sites, n°58-59.
[<-] [xlii] monnaie : 2 unités numides
frappées à Cirta (?) ; 1 pièce numide en l'état fruste
(cheval au revers), 1 sesterce frappé à Rome, AUREL COMMODUS
; 1 Centeriolis de Constance II (?) ;1 As votif DIVUS AUGUSTUS
frappé sous Tibère ; 1 Follis frappé vers 300 (?) (fig.4).
[<-] [xliii] Frontinus J. The Stratagems. 1969, W. Heineman LTD. London.
[<-] [xliv] Decramer L. Histoire
de l'alpinisme, sur les pas de Jugurtha. La Montagne, 1994,
n°3.
[<-] [xlvi] L'anecdote du Ligure recherchant
des escargots est connue (Iug. XCIII, 3).
[<-] [xlvii] Les nomades du Bled Segui,
qui campaient ces jours-là près de ces sources, nous ont rapporté
leur tradition fort lointaine de nomadisme et leurs droits de
pâturage qui y sont attachés. La piste chamelière qu'ils empruntent
depuis le Sud passe par : El Guettar, Sidi Aïch, Ferriana, Foussana,
Haïdra et la Table de Jugurtha. Cette piste reprend l'itinéraire
de l'ancienne voie romaine d'Asprenas (~14 ap. J.-C.) qui joignait
les "castra hiberna" de la IIIé legio Augusta
à Tacapae.
[<-] [xlviii] On trouve d'autres pressoirs
à huile de ce type dans cette région autrefois plantée d'oliviers.
J.P. Laporte en signale en Kabylie : Fermes, huileries et
pressoirs de grande Kabylie, C.T.H.S., 1985, fasc. 19B,
p. 127-146.
[<-] [xlix] Le Bohec Y. L'armée
romaine. 1989, Pl. XXVII et XXVIII. Polype : Histoire
VI, 26 - 32.
[<-] [lii] Selon l'avis d'un officier
qui connaît le pays.
[<-] [liii] Senam. Sans doute,
l'origine du nom de cette montagne, Kalaat-Senam, bien que ce
ne soit pas le sens proposé par Monchicourt. Revue Tunisienne,
1906, n°57, p. 213-216. Voir aussi M'Charek. Kalaat
Senane, une forteresse-refuge de l'Antiquité aux temps modernes.
Actes du colloque sur l'histoire et la civilisation du Maghreb,
oct. 1999.
[<-] [liv] A notre connaissance, ces
escargotières n'ont jamais été signalées. Deux ont été reconnues
près des blocs creusés de dar el aris et de dar el
aroussa.
[<-] [lv] Une autre aire sacrée, portant
le nom de Es Snam, dans le Hodna (Algérie) est rapportée par
Gsell, t. 6, p. 201.
[<-] [lvi] M'Charek. M. De Saint-Augustin
à Al-Bakri sur la localisation de l'Ager Bullensis. C.R.A.I.,
1999, p. 115-142.
[<-] [lvii] Apulée L. A. Apologie.
XXIV, 1. Traduction d'après P.Valette. Les Belles Lettres.
[<-] [lix] Contra la carte
de l'Afrique romaine qui situe ce territoire dans le massif
des Aurés. Instructions du C.T.H.S. Recherches des Antiquités
dans le Nord de l'Afrique. Conseils aux archéologues et aux
voyageurs, 1929, p. 1-249.
[<-] [lx] Le premier chiffre correspondrait
à un angle d'azimut (et non pas un numéro d'ordre) et le second
chiffre à une distance en pes (et non pas en passus)
par rapport à la borne voisine. Contra Gsell, mémoires
de la SNAF, 1923, p. 147 (notes de Poinssot et Lantier).
[<-] [lxi] Decramer L., Hilton R.
Le problème de la grande centuriation de l'Africa Nova. Esquisse
d'une solution. Cahiers de la Tunisie, 1996, t. XLIX, n°174,
p. 43-95. Decramer L., Elhaj R., Hilton R., Plas A. Approche
géométrique des cadastres antiques. Les nouvelles bornes du
Bled Segui. Histoire & Mesure, en cours de publication.
[<-] [lxii] Chevallier R. Essai
de chronologie des centuriations romaines de Tunisie. MEFRA,
1958, p. 97.
[<-] [lxiii] Lassère J.-M. Un conflit
"routier" : observations sur les causes de la guerre
de Tacfarinas. Ant. afr. , 1982, t. 18, p. 11-25.
[<-] [lxv] Marius disposait ainsi
de deux légions, selon Sir John Hackett. Warfare
in the ancien world, 1989, p. 171.
[<-] [lxviii] 20 km, la distance normale
parcourue par un agmen dans une journée "jusqu'à
la dixième partie du jour".
[<-] [lxix] Révolte de Tacfarinas
et des Musulames en 17-24. On comprend toujours difficilement
comment Marius, pour atteindre le Muluccha marocain, aurait
pu traverser en quelques semaines cette région des Nementcha-Aurès,
alors que cette 3é légion n'atteindra Lambésis qu'en
121 ou 123. Baradez J. Fossatum Africae, 1949, p. 133-138.
[<-] [lxx] redjem : tas de
cailloux de d'épierrement.
[<-] [lxxi] Orose. P. Histoires
contre les païens. Les Belles lettres. Livres IV-VI.
[<-] [lxxii] Gsell, Histoire ancienne
de l'A.F.N. t. 7, p. 125.
[<-] [lxxiv] Atlas archéologique de
la Tunisie. 1892, CIL, vol VIII, suppl. 5-3,
p. 265. Berthier A. Note sur l'épigraphie du Kef.
1953, RSAC, t. 68, p. 177 -198. A. Ferchiou, 1982, RM 89, 441-5.
[<-] [lxxv] Les documents itinéraires
de l'Antiquité. La Table de Peutinger et l'Itinéraire d'Antonin.
Note d'accompagnement des cartes. IGN. Salama P. Les voies
romaines d'AFN, p. 17.
[<-] [lxxvi] Instructions pour la
recherche des Antiquités et les travaux de géographie comparée
en Tunisie. 1885. Archives du SGA. IGN.
[<-] [lxxvii] Toussaint G. Résumés
des reconnaissances archéologiques exécutées par les officiers
des brigades topographiques d'Algérie et de Tunisie. 1898
et années suivantes. Archives du SGA. IGN.
[<-] [lxxx] Instructions du C.T.H.S.
1929. Recherches des Antiquités dans le Nord de l'Afrique.
Conseils aux archéologues et aux voyageurs.
[<-] [lxxxiv] Van Oothegen. J. Les
Caecili Metelli de la République, 1964. Mémoires de l'Académie
royale.
[<-] [lxxxv] Toussaint P. Rapport
sur les reconnaissances archéologiques exécutées par les officiers
de la 2e brigade topographique de Tunisie, 1898, Archives du
SGA.
[<-] [lxxxvii] Saumagne. C. La
manoeuvre du Muthul. Mélanges offerts à Ch. Saumagne et
Les cahiers de Tunisie, 1930, p. 391-405.
[<-] [lxxxix] Zabbou : olivier
sauvage. Sur le plan pédologique, les terrains sont conformes
aux données de Salluste.
[<-] [xc] Monchicourt C. La région
du Haut Tell, p.118. Ce passage ouvre la voie vers Cirta/le
Kef. La stratégie de Jugurtha qui veut sauvegarder sa capitale
est dans ce cas évidente, il bloque le passage obligé du fleuve.
[<-] [xcii] Berthier A, Juillet J.,
Charlier R. Le Bellum Jugurthinum et le problème de Cirta,
ibid 20.
[<-] [xciv] Mattingly D., Hitchner
R. Roman Africa : an archaeological review. 1995, p.
213.
[<-] [xcv] Des travaux prometteurs
ont commencé. Voir M'Charek A. : De Saint-Augustin à Al-Bakri
sur la localisation de l'Ager Bullensis. C.R.A.I., 1999
et Kalaat-Sename, une forteresse-refuge de l'Antiquités aux
temps modernes, Histoire et Civilisation du Maghreb, 1999
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